Sunday, February 3, 2013

FIC : Défi N°2 : Une Gargoyle a Disparu ! - Louise

Deuxième Fanfic ! Texte de Louise

Thème : Une Gargoyle a Disparu !
Mots : Lampe de poche, caramel, choupinet


Une gargouille a disparu !


            Richelieu, fier griffon, terreur vivante et prédateur hors pair, scrutait la cheminée, assis bien droit sur ses pattes arrière. À vrai dire, il essayait plutôt de se convaincre qu’il l’était. Morphine avait décidé en ce début de soirée de lui empiler des trucs sur la tête et de voir combien de temps ça pouvait tenir. Richelieu était persuadé qu’en se concentrant assez fort et en méprisant assez ce qui l’entourait, il pouvait faire disparaître ce qui le dérangeait. Il en était toujours aux phases d’essais de sa théorie, mais les résultats viendraient un jour.
Avec détermination, il se répétait sans cesse « je suis un tigre, un monstre, une créature de la nuit, je suis un… »

            « Minouuuuu… minou minou minouuuu… »
            Morphine n’en pouvait plus, elle riait et s’amusait comme une petite folle. Empiler des trucs sur la  tête sérieuse et digne de richelieu était le jeu le plus drôle auquel elle ai jamais joué avec lui. Et ça venait largement devant « habiller le griffon comme une fille ». C’était génial. A présent, la petite tête s’ornait d’une boîte de cookie vide, d’un verre, de plusieurs mouchoirs (sales) et d’un vieux  playmobil qui traînait. Elle allait ajouter sa touche finale, la cerise sur le gâteau ; une horrible petite statuette de marquise. Le geste était délicat. Comme au Mikado, il ne fallait rien faire bouger, tout risquait de s’effondrer. Elle avança une main tremblotante… posa la marquise qui alourdit encore un peu la composition et retira son bras aussitôt. Une merveille.
            Richelieu geignit un peu mais s’arrêta bien vite ; il ne devait pas montrer d’intérêt pour tout ça. Et tout disparaîtrait.

            C’est à ce moment-là que Delacroix arriva. Il traversait la pièce d’un pas conquérant et s’arrêta net devant la sculpture de morphine. Celle ci s’attendait à des réprimande et commença sa plaidoirie.
            « Il est d’accord ! Et pis d’abord moi j’ai rien fait, c’est lui qui a commencé ! Et puis... »
            « Oh c’est trop cool !  Je peux essayer ? »
            Delacroix s’assit a coté de l’ado qui n’en croyait pas ses oreilles. Il prit un truc dans sa poche (un badge horrible des années 80) et le posa doucement sur le bec de Richelieu. Le geste était osé, beau, grandiose.
            Le griffon loucha un instant et reprit son expression de dédain pour le monde physique ; on ne l’aurait pas si facilement.
            « Eh… Tu veux voir un truc marrant… ? »
            Morphine jeta un coup d’œil a Delacroix ; une lueur narquoise brillait dans son regard ; elle attendait apparemment un spectateur qui apprécierait son spectacle a sa juste valeur.
            Delacroix se pencha et regarda attentivement ce qui allait se passer.
Morphine sortit un petit caramel de sa poche et le déballa délicatement entre ses doigts. Elle tendit le papier à son compagnon de jeu ; dessus il était écrit « caramel extra mou. »
            Ses yeux brillaient d’un éclat dangereux. Elle approcha lentement la friandise du bec de leur jouet vivant.
            La pauvre bête, voyant ce cadeau inexpliqué, oublia bien vite ses préceptes stoïciens. Il ouvrit grand son bec et se jeta sur le bonbon, faisant tomber toute la composition. D’abord réjoui, son visage se remplit bientôt d’effroi ; en mâchant, il s’était coincé le bec dans le caramel. Il était tellement mou qu’il ne pouvait rouvrir sa gueule, et usait de toute sa force pour bouger les mâchoires.
            Delacroix et Morphine, quant à eux, se roulaient sur le tapis, hurlant et riant comme deux bossus devant la danse horrifiée du pauvre animal.
            Le pauvre Richelieu se tordait, se tortillait sur le tapis, se griffait bec avec ses pattes en essayant en vain de se dégager la gueule. Épuisé, ridicule et geignant, il partit en courant à la recherche d’une âme compatissante qui l’aiderait.
            En passant la porte, il se cogna dans les jambes d’une Absinthe attirée par les cris de joie des deux compères. Une seconde fut suffisante pour comprendre la situation; elle fusilla du regard Morphine, mit en garde Delacroix d’un plissement des yeux et empoigna Richelieu par le cou.
            « Encore ?! Mais comment tu fais pour te mettre dans un état pareil…Tu pourrais au moins te défendre. »
            Elle tira le griffon qui pleurnichait jusque dans la cuisine, où elle pourrait mieux le débarbouiller.
            Elle s’occuperait de l’ado plus tard. Quant à Delacroix…

            Richelieu couinait sous les gestes un peu brusques d’Absinthe. Elle était en train de le débarbouiller avec un torchon humide, et appuyait de toutes ses forces pour lui libérer le bec.
            « Arrête de bouger ! » lui cria t elle.
            Richelieu s’arrêta immédiatement de gesticuler, pétrifié.
            « Raah… Excuse-moi… Mais vous avez tellement tendance à faire des conneries quand Papa n’est pas là…  Voilà c’est fini, tu peux ouvrir la bouche maintenant. »

            Effectivement, Montigny était de voyage durant deux jours, ce qui mettait les nerfs d’absinthe a vif. Tout le monde se passait le mot pour se déchaîner pendant ces vacances inopinées, et elle était obligée de passer derrière pour réparer tous les dégâts. Il rentrerait en fin de nuit, il lui avait promis au téléphone. Cependant, jusque-là, elle se sentait responsable de tout le monde, et il allait falloir les surveiller. Quelle galère…

            « Oh la vieille bique ! C’est pas parce que Montigny est en voyage qu’il faut qu’elle fasse chier tout le monde, elle ! Non mais c’est vrai ! Dès qu’il est de sortie, elle se prend pour la chef ! Vas y que je te donne des ordres, que je rouspète, que j’engueule tout le monde… Faut qu’elle se calme la vioque ! »
            Morphine continuait sa longue litanie, espérant que Delacroix l’accompagnerait dans sa grogne. Mais celui-ci se leva silencieusement, et, avant de s’en aller, lui souffla quelques mots dans l’oreille.
            « P’tet que si tu faisais moins de bêtises, elle serait pas autant à cran, non ? »
            Et il disparut en rigolant.

            Morphine médita un instant ses paroles, haussa les épaules, se jeta sur son canapé et attrapa la game-boy qui traînait sur la petite table, tout en maugréant à son habitude.
            « Non mais c’est pas juste, je fais jamais rien moi, chuis innocente, c’est eux qui pètent un câble… »

            Delacroix se glissa silencieusement jusque dans la cuisine, où une silhouette accroupie de dos débarbouillait le pauvre Richelieu. Celui-ci leva un sourcil curieux et inquiet à son approche, se préparant au pire.
            La gargouille bleue prit son souffle, se dressa bien droit et ouvrit grands les bras.
            « Un seul cri et tu auras affaire à moi »  la prévint Absinthe.
            Les joues de Delacroix se dégonflèrent aussitôt, et Richelieu soupira, soulagé. Celui-ci fit claquer son bec avec satisfaction, avala quelques bouchées de croquettes pour s’assurer que tout était en ordre et s’en retourna d’un air triomphal.
            « Écoute, je suis pas vraiment d’humeur pour les bêtises ce soir, et je crois que tu le sais très bien. » Elle lui agitait un doigt accusateur sous le nez.
            « Mais… Faut que tu te détendes un peu ! Ça te ferait du bien tu sais. » 
            Il s’assit sur la table de la cuisine et grignotait ce qui lui tombait sous la main.
            « À force tu vas exploser si tu continues comme ça. Eh, mais… c’est pas possible… les biscuits ont encore disparu, regarde ! La vache, c’est dingue! »
            Delacroix tendit à Absinthe le pot de cookie à l’évidence vide. Il regarda une dernière fois le fond, songeant à ces délicieux gâteaux qu’il ne pourrait pas manger, et revint au sujet qui l’intéressait.
            Il s’allongea sur la table, essayant d’adopter une pose lascive, tout en louchant, les yeux à demi fermé ; sa technique de regard sensuel.
            « Allez choupinette… Calme toi un peu… »
            « Ok ok, mais je voudrais régler un petit truc avant. Après on se regardera un film si tu veux. Je te rejoins dans une petite demi-heure, d’accord ? »
            « YEEEAH ! Je vais chercher Retour Vers le Futur, ça fait une semaine que je l’ai pas vu ! De toute façon, on peut pas voir l’un sans les deux autre, alors ça va être la fête ! »
            Sur ces mots, il s’enfuit en sautillant comme un gamin.

            Absinthe se passa une main sur le visage. Bon, il fallait faire la check liste. Vérifier que tout le monde était bien là où elle l’imaginait être et qu’aucune bêtise n’était en préparation.
            Elle se rendit d’abord au salon, et jeta un œil dans la pièce. Richelieu avait rejoint Morphine dans le canapé, et celle-ci s’appliquait à lui chatouiller l’oreille avec un petit bout de mouchoir tortillé. Ce griffon n’avait donc aucune mémoire ou bien était-il un peu masochiste sur les bords ?
            En tout cas, rien à signaler qui ne changeait de l’ordinaire.

            Absinthe descendit dans la petite salle de gym. Grimm y était sûrement.
            Elle n’eut même pas à ouvrir la porte pour le vérifier, elle entendait parfaitement les cris, le souffle rauque et les coups portés à des sacs de sables de là ou elle était. Elle jeta un coup d’œil par le petit hublot et repartit.
            Elle trouva sans mal Svenn à la bibliothèque, le nez plongé dans un gros roman dont le nom lui était inconnu. Il l’avait regardé s’asseoir en face de lui, le scruter quelques minutes sans bruit et s’en aller sans rien ajouter. Il avait trouvé ça étrange, mais ici, tout était un peu étrange, alors…

            Svenn ne semblait pas être une menace. Elle pouvait continuer sa mission. Il ne restait plus que Mélusine à « contrôler » et elle pourrait enfin se détendre en compagnie de Delacroix. Elle la dénicherait sûrement dans sa chambre, à bouquiner ses romans à l’eau de rose. Elle la trouverait en train de glousser dans son lit à baldaquin, alors qu’Antonio, le mystérieux voleur masqué courtisait la belle princesse du désert. Ou un truc du genre.
            Elle frappa trois coups, attendit un instant et ouvrit la porte de la chambre. Elle était vide. Elle jeta un œil à l’encens et aux bougies. Elles n’avaient pas étés allumées de la nuit. Bizarre…
            Absinthe repartit et monta cette fois ci au grenier. Mélusine aimait y passer un peu de temps pour y dénicher de nouvelles surprises. Mais aucune trace de Mélusine à l’horizon.
            Elle ne se désespéra pas et retourna à la bibliothèque.
           
            Svenn posa son livre et la regarda, troublé. Elle ouvrit la porte de la réserve, là où Monsieur Montigny lui avait déconseillé d’aller, à cause de la charge magique de l’endroit. C’était en effet une petite pièce où les grimoires et livres de sorcelleries étaient rangés. C’était aussi l’une des petites cachettes de Mélusine.
            Absinthe en ressortit quelques minutes après.

            « Tu as vu quelqu’un y entrer aujourd’hui ? » Elle semblait un peu énervée… Et Svenn avait bien vite compris à son arrivée qu’il valait mieux la caresser dans le sens du poil à ces moments-là.
            « Non personne… Pourquoi ? »  Sa curiosité avait pris le dessus.
            « Mélusine a disparue. »
            « Euh… t’es sure ? » souffla t  il, interrogateur.
            « Elle n’est ni dans sa chambre, ni dans la bibliothèque, ni dans le grenier. Elle a donc disparue. »

            Elle prit sa tête dans ses mains et se concentra.
            Ou pouvait bien  être Mélusine ? Dans tous les cas, ça cachait quelque chose. Et mélusine qui cache quelque chose, ça a forcément rapport avec de la magie.
            Ohlala… Espérons qu’on la retrouve avant qu’elle ne fasse un truc trop grave.

            Elle abandonna Svenn dans la bibliothèque et couru jusqu’au salon. Elle attrapa Delacroix qui glissait tout juste le dvd dans le lecteur, et le stoppa en plein geste.
            « Attends ! Je te propose un jeu, ok ? On va tous jouer à celui qui trouve Mélusine en premier. Elle est cachée quelque part dans le manoir et je ne la trouve pas. »
            « Hmmm… Elle a disparue hein ? C’est comme une sorte d’enquête, n’est-ce pas ? » demanda t il en souriant jusqu’aux oreilles.
            « Oui si tu veux, mais il faut absolument la retrouver. »
            « Tu t’inquiètes pour rien… Allez, on va la retrouver et comme ça tu seras rassurée. » Lui murmura t il dans l’oreille, pas dupe de son petit jeu.
            Il sortit du salon et revint de sa chambre les bras chargés de chapeaux.
            « Ce sont des casquettes d’inspecteur… Je les ai achetées sur Internet… Je savais que ça nous servirais un jour.» Ajouta il sous le regard consterné d’Absinthe.
            « Voilà, t’es super sexy avec un chapeau, Aby, et Richelieu, t’as l’air d’un vrai dur, et t’es très très mignonne Morphine »
Il préparait sa petite équipe de recherche en leur enfonçant les couvre chef sur la tête d’un air rigolard.
            « Pas la peine de nous sortir tes boniments, on va les mettre tes chapeaux… » Soupira Absinthe.
            « Chuis pas mignonne … Non mais c’est vrai quoi… » Marmonna Morphine en partant à la chasse.

            Delacroix était près, et l’enquête commençait bien. Ses acolytes étaient efficaces, mais lui, il avait de l’expérience. Ça faisait plus de vingt ans qu’il était dans le métier, et les disparitions, il connaissait. Il aspira dans sa pipe imaginaire et réfléchit. Voyons… Mélusine est une fille… Une fille, c’est bizarre, ça a de drôles d’idées…

            « Je sais ! »

            Il se précipita dans le couloir, suivi de près par ses collègues, et s’arrêta devant la porte de la salle de bain.
            « Ca fait longtemps qu’on ne l’a pas vue, n’est-ce pas ? Or, une fille, ça se pomponne pendant des heures ! Admirez ! »
            Il ouvrit grand la porte de la salle de bain, qui claqua contre le mur. Mais aucun cri hystérique ne résonna. La pièce était vide.
Delacroix ne cacha pas sa déception et se remit à réfléchir. Pendant ce temps, Absinthe en profitait pour chercher dans les pièces adjacentes ; autant garder un œil sur tout le monde en même temps.

            Delacroix fit ainsi courir Absinthe et Morphine dans tout le manoir, trouvant à chaque fois une nouvelle idée, à chaque fois plus étrange. Ils visitèrent ainsi les toilettes du deuxième étage, le placard sous l’évier et la chambre de Svenn (qui avait décidé de faire comme si rien d’étrange ne se passait lorsqu’ils débarquèrent pour tout fouiller). Ils continuaient en direction du placard de la chambre d’amis.

            Richelieu quant à lui, avait bien vite enlevé le chapeau que Delacroix lui avait enfoncé sur la tête, et n’avait pu résister à l’occasion de se jeter sur le canapé une fois que les fesses de Morphine en avaient disparues. Mais à présent, il était l’heure de chasser un peu.
Il s’étira en sortant ses griffes, bailla, heureux d’avoir retrouvé l’usage de son bec et s’en alla en trottinant.
            Il allait sortir par la porte de derrière lorsqu’il entendit de drôles de bruits. Un léger murmure, comme une chanson, semblait venir de derrière une porte, sous l’escalier. Elle n’était pas imposante du tout, plutôt discrète dans son genre, mais elle semblait aussi renfermer d’étranges secrets… Une porte vachement mystérieuse, ça, foi de griffon ! Il tendit encore l’oreille, et cette fois ci entendit bel et bien une voix. Tous ses poils se dressèrent sur sa petite tête et il se précipita dans les couloirs pour prévenir les autres. Il courrait, courrait, courrait… Épuisé, il fit une petite pause, juste devant la cuisine. Coïncidence, son ventre se mit à gronder, et il vit sa gamelle, à terre, débordant de délicieuses croquettes aux lapins… Ses préférées…
            Il entra alors et se précipita sur la nourriture, oubliant ce qu’il avait découvert. Une fois repu, il retourna dans le salon et se laissa tomber mollement sur le canapé. Il posa sa tête avec plaisir sur le coussin, ferma les yeux et…

            « Sacrebleu ! Mais où peut-elle bien avoir disparue ? Mon cher Watson, nous avons affaire à un véritable mystère ! »
            Richelieu expira en gémissant. Jamais moyens de faire sa sieste digestive tranquille ici. On était toujours dérangés soit par une gamine insupportable, soit par Delacroix et ses jeux bizarres, soit par des voix venues de n’importe où…
            Il rouvrit grand ses yeux et se leva précipitamment. Il avait failli oublier ! Il attrapa un morceau de veste de l’inspecteur Delacroix au passage et le tira en avant.
            « Richelieu, t’as déjà eu des croquettes, et trois fois plus de ce que tu devrais manger ! » Lui gronda Morphine.
            « Aha ! Je crois plutôt que notre fidèle chien policier a trouvé une trace ! » objecta joyeusement l’inspecteur.

            Richelieu prit une mine outrée, mais continua à traîner le groupe, jusque devant la petite porte.
            Personne ne semblait l’avoir déjà remarqué auparavant, tellement elle était insignifiante. Aucun bruit n’en venait, mais Richelieu grattait comme un fou pour l’ouvrir.

            Morphine dégluti et aida le griffon. Un horrible grincement se fit entendre et un vieil escalier en bois descendait dans les ténèbres.
            Absinthe s’éclipsa un instant et revint avec trois lampes de poches.
            Elle passa devant. Les escaliers grinçaient eux aussi, et une vieille odeur de moisi remontait. Cette cave était vraiment très peu accueillante.
            Ils descendirent ainsi dans le noir pendant quelques minutes, le seul bruit de leur respiration résonnant autours d’eux. Enfin arrivés en bas, ils s’arrêtèrent un instant.
            « Psst... Eh psst… » Delacroix tapotait comme un malade sur l’épaule de Morphine.
            Celle-ci se  retourna et hurla d’un cri hystérique. Delacroix faisait des grimaces au-dessus de sa lampe et voulait en faire profiter sa voisine. Il gloussa et balaya la pièce de la lumière de sa torche.

            Un corps était allongé.
            Il était étalé par terre, face contre terre, dans des châles et des étoles. Tout autours, des bougies éteintes depuis peu étaient disposées au milieu de signes étranges, dessinés a la craie sur le sol. Un livre ouvert traînait par terre.

            L’adolescente hurla une nouvelle fois en reconnaissant Mélusine.
Ils se précipitèrent tous vers elle pour l’aider, Absinthe s’accroupissant et la prenant dans ses bras, Delacroix la couvrant de sa veste, Morphine en arrêtant de crier. Richelieu, inquiet, vint se frotter contre elle.
            Elle était froide et avait la chair de poule, mais au moins elle était vivante. Recroquevillée contre Absinthe, elle se réveilla peu à peu en bégayant.
Elle se releva et les regarda avec étonnement.

            « Qu’ef fe que… ? »

            « AHAHAHAHAHA ! »
            Delacroix explosa de rire devant elle. Il se tenait les côtes, tomba par terre et roula en hurlant de rire. Morphine haletait en rigolant, se plaignant qu’elle ne pouvait plus respirer. Richelieu avait déjà détalé en couinant, remontant se cacher sous la table du salon, les poils dressés de terreur. Quant à Absinthe… Elle ne bougeait pas, son visage restait imperturbable, ses yeux étaient sérieux et froids. Mais quant elle ouvrit la bouche pour parler, on aurait pu remarquer un peu de sang, comme si elle venait de se mordre la langue de toutes ses forces…

            « Mélusine… Ça va ? Tu te sens bien ? »
            « Mouif gnef vaif bienf… Quefque… Quefqui fe paffe ? Quefqui m’arrife ? ABFINFE QUEFQUI FE PAFFE ? »  Mélusine était affolée, elle paniquait et ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle voyait un peu flou, pas très net, elle avait du mal à parler… Mais qu’est ce qui lui arrivait, bon sang ?!
            « Bon, on va arranger ça. Delacroix, cesse de rire comme un débile et ramasse le grimoire. Morphine, tu prends ma lampe et tu nous éclaire le chemin. Je vais aider Mélusine à marcher. Pour pas qu’elle se prenne les pieds dans… Enfin… Bon allez, on rentre. »

            « Quoif ? Fe comfprenf paf ? Prendrf lef piefds danf quoif ? »

            Mélusine suivit docilement le groupe jusqu’au salon. Étrangement, elle voyait tout comme au travers d’un voile, et ça commençait à sérieusement l’inquiéter. Absinthe la déposa dans le canapé et Morphine lui tendit un miroir en ricanant.
            Mélusine ouvrit d’abord des yeux ronds puis s’évanoui. Elle venait voir son reflet orné d’une immense moustache bouclée et de sourcils tellement longs que ses yeux disparaissaient dessous. C’était un cauchemar.
            On la réveilla à nouveau et elle se mit à sangloter dans les bras de Delacroix. Absinthe feuilletait le grimoire en quête de la solution et Morphine garnissait les nouveautés capillaires de son amie avec des barrettes et des rubans. Pour mieux voir et parler, elle disait.

            « Je vois. C’est le sortilège pour « récompenser la curyosyté », n’est-ce pas ?  Au moins t’en sera guérie, maintenant. »
            Mélusine renifla, essuya ses larmes d’un revers de la main, dégagea un sourcil qui s’était pris dans un bouton de sa manche et leur expliqua comment elle venait de se retrouver affublée de cette horreur.

            Pendant ce temps, Grimm avait passé son temps à fouiller le manoir de fond en comble pour trouver les autres. Pour une fois qu’il avait envie de voir du monde, le monde le fuyait ! On s’amusait toujours sans lui, ils devaient bien se moquer de lui en ce moment même !
            Il entendit enfin du bruit, venant du salon. Il y était passé y a pas si longtemps, mais apparemment tout le monde était revenu. Il voulut entrer et… Il vit seulement Absinthe se lever en trombe et lui claquer la porte au nez. Et la fermer a clef en plus !
            Il n’en revenait pas. Il resta muet de stupeur, complètement sonné, durant quelques instants.
            « S’il te plait Grimm, n’entre pas. Mélusine a besoin d’être un peu tranquille. »

            Comment ça tranquille ? Il la dérange c’est ça ? Il est pas assez bien pour elle ?
            Il grogna et se mit à taper comme un fou sur la porte. Ha ! Il entrerai et il serait calme ! Elle verrait comme il peut être TRANQUILLE !

            Quelques murmures s’échangèrent derrière la porte et la voix de Mélusine se fit entendre, très faible.
            « S’il te plait Grimm, n’entre pas…
            « POURQUOI ! »
            « Parce que je suis… Je suis… » La voix hésita et repris, moins assurée encore, « Parce que je suis.. Euh… Toute nue. »

            Un terrible silence envahit la pièce.
            Grimm s’arrêta de frapper à la porte. Oh. Ben si elle est nue alors… ‘Faut pas entrer. Pis si je jette juste un coup d’œil Absinthe va dire que je suis un pervers et Delacroix va se foutre de ma gueule et…
            Un déclic se fit dans sa tête.
            « POURQUOI T’ES TOUTE NUE AVEC TOUT LE MONDE ?! »

            Il hurla de rage. On ne le prendrait pas pour un abruti. Il prit son élan et se rua sur la porte qui s’ouvrit sous son poid. À l’intérieur, il n’y avait plus personne, et la fenêtre était grande ouverte. Grimm hurla et se précipita dans le couloir ; on ne l’aurait pas aussi facilement. Il rattraperait les autres de l’intérieur et il saurait bien ce qu’ils mijotaient tous. A peine était-il partit que la tête de Delacroix ressortit de derrière le canapé.

            « Eh ben on a eu chaud. Pourquoi tu voulais pas lui dire ? »
            « Je veux pas qu’il me voie comme ça… C’est tout » répondit Mélusine avec une petite voix. « Qu’est ce que je vais devenir, moi ? »
            Absinthe regarda la grosse horloge et sourit.
             « Papa rentre très bientôt. Il va pouvoir t’aider plus efficacement que nous tous. Tu devrais peut-être l’attendre dans son bureau »

            Mélusine s’enfuit discrètement avec l’aide de Delacroix jusqu’au bureau de Montigny. Là, elle se terra dans un coin qui n’était pas encore occupé par de la paperasse et attendit.

            La voiture noire de Montigny se gara peu de temps après dans l’allée. Le vieil homme en sortit, et fut vivement accueilli par Absinthe et Morphine, qui lui contèrent avec beaucoup de détail ce qui venait d’arriver. Montigny pouffait de rire, mais en entrant dans le bureau, il avait retrouvé tout son sérieux et s’occupa de Mélusine.
            Celle-ci ressortit du bureau une petite heure plus tard, sans plus aucune trace de pilosité faciale.

            « Il m’a dit que la moustache m’allait très bien.» Dit-elle boudeuse. Mais elle ne raconta jamais ce qui s’était passé dans le bureau, et les autres gargouilles ne surent jamais comment Montigny avait réussi à contrer le sortilège.
            « Tu évites la magie pendant un certain temps, j’espère? » Absinthe avait repris son rôle.
            « Oui oui… » Lui répondit Mélusine d’une petite voix pensive en souriant.
Elle serrait bien fort dans son dos un nouveau livre que lui avait ramené son Père.

            Un grimoire de magie, il lui avait assuré.

- Louise, 2009

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